Lignes aériennes hybrides: transporter plus d’énergie sans ligne supplémentaire

La réticence de la société quant à de nouvelles lignes aériennes à très haute tension freine la modernisation du réseau électrique. Deux projets s’inscrivant dans le cadre des Programmes nationaux de recherche „Virage énergétique“ et „Gérer la consommation d’énergie“ ont présenté un arrangement optimal de lignes aériennes hybrides permettant d’accroître la capacité du réseau tout en facilitant l’acceptation de cette nouvelle technologie par la population.

A la différence des lignes électriques conventionnelles dotées de deux systèmes de courant alternatif, les lignes aériennes hybrides associent un câble de courant alternatif (AC) et un câble de courant continu (DC) sur un même pylône. De cette manière, on accroît la capacité de transmission sans pour autant changer l’aspect visuel des lignes, évitant ainsi de nouvelles constructions ou une irruption supplémentaire dans le paysage. Les conditions météorologiques, les salissures sur les câbles conducteurs ou la distance entre la ligne de courant alternatif et celle de courant continu peuvent toutefois provoquer des interférences se manifestant par un grésillement et des champs électriques dérangeants.

Dans le cadre du Programme national de recherche „Virage énergétique“ (PNR 70), un groupe de recherche de l’EPF Zurich a donc étudié un arrangement optimal du système. „Les lignes aériennes hybrides présentent deux avantages considérables: une capacité supérieure de plus de 50 pourcent et une acceptation vraisemblablement meilleure de la part du public car elles ne nécessitent pas de construire de nouvelles lignes à très haute tension, il suffit d’adapter les installations existantes. Dans l’objectif de minimiser les effets perturbateurs tels que les champs électriques et le bourdonnement dû à l’effet corona tout en assurant la plus grande capacité de transmission possible, nous avons déterminé la tension idéale et la meilleure géométrie de pylône dans diverses conditions réelles sur des lignes d’essai en laboratoire et en extérieur“, résume le professeur Christian Franck, chef de projet à l’Institut de technologie de la haute tension de l’EPF Zurich.

De nombreux avantages mais… l’acceptation n’est pas évidente.

Parallèlement à l’élaboration de la nouvelle technologie, l’équipe de recherche s’est également penchée sur les chances d’adhésion de la population et la démarche à adopter dans ce but. „Bien que l’augmentation de la capacité sans altération supplémentaire du paysage favorise la nouvelle technologie hybride et que nous soyons parvenus à une nette réduction des effets négatifs, nous étions conscients dès le début que les lignes hybrides ne seraient pas réalisables sans l’approbation des personnes directement concernées“, souligne le professeur Franck, exposant les motifs de la collaboration avec l’Institut de sciences politiques de l’Université de Berne.

A l’Institut de sciences politiques de l’Université de Berne, la professeure Isabelle Stadelmann-Steffen a dirigé une enquête au printemps 2016 sur l’acceptation des lignes aériennes hybrides, et ce via le sondage d’opinion « Energie-Enquete 2016 », mené dans le cadre du projet PNR 71 « Acceptation de l’énergie renouvelable ». Composé d’environ 1300 personnes, l’échantillon représentatif correspondait aux variables sociodémographiques habituelles et, en termes de sensibilité politique gauche-droite, à la répartition de la population résidant en Suisse.

En ce qui concerne le recueil des attitudes à l’égard de la nouvelle technologie, le principal défi réside dans le fait que la population ne dispose pas de toutes les informations nécessaires pour se forger une opinion solide, et n’a donc peut-être pas (encore) de préférence établie. C’est là un aspect à considérer dans les questions si l’on ne veut pas obtenir des résultats aléatoires. On l’a donc pris en compte en répartissant au hasard les personnes interrogées en quatre groupes, à qui l’on a soumis des formulations de questions légèrement différentes. Les quatre groupes ont notamment reçu plus ou moins d’informations sur la nécessité de développer le réseau et sur les inconvénients potentiels de la nouvelle technologie.

L’enquête a permis d’obtenir des informations déterminantes sur les attitudes à l’égard des lignes aériennes hybrides et sur les approches envisageables pour favoriser l’acceptation de cette nouvelle technologie.

    1. Une expérience personnelle des lignes à haute tension atténue la réticence: globalement, le sentiment dominant auprès de la population est une crainte de l’impact négatif des lignes à haute tension sur les humains et la nature. Cette méfiance constitue un obstacle à la modernisation du réseau d’une manière générale et influe également sur la perception des lignes aériennes hybrides. Notons toutefois que les personnes habitant à proximité de lignes à haute tension ont tendance à être moins réticentes que les autres à ce sujet. Ainsi, environ 60% des personnes interrogées n’habitant pas à proximité de lignes à haute tension les considèrent dérangeantes, alors que seulement 40% des personnes interrogées vivant près de ce type de ligne électrique sont de cet avis. Par conséquent, la défiance à l’égard des lignes à haute tension provient souvent de craintes vagues qui ne se confirment pas nécessairement dans la réalité.

 

    1. L’opinion des gens dépend beaucoup de ce qu’on leur dit: l’opinion des personnes interrogées varie considérablement selon la manière dont on les informe sur la nécessité de moderniser le réseau et les éventuels effets négatifs de la nouvelle technologie. En particulier, les informations portant sur les éventuelles répercussions négatives telles que les nuisances sonores et les champs électriques entraînent une vaste opposition chez plus de 60% des personnes interrogées. Pourtant, la même proportion de personnes interrogées se déclarent favorables à la technologie si elles n’ont pas connaissance des éventuels inconvénients. Lorsqu’on les informe en outre de la nécessité de développer le réseau, les trois quarts soutiennent l’idée d’une ligne hybride.

 

  1. Lorsque le choix se présente, la plupart des gens optent pour la nouvelle technologie: même si l‘enquête montre l’absence de soutien stable pour les lignes aériennes hybrides, les chances de réussite d’une mise en oeuvre politique ne sont pas mauvaises. Cela s‘explique par le fait que l’installation de nouvelles lignes conventionnelles est encore moins populaire que l’adaptation d‘une ligne aérienne existante. Ainsi, lorsque la question n‘est pas de savoir si la capacité du réseau doit être augmentée mais comment elle peut l‘être, une nette majorité des personnes interrogées se prononce en faveur de la nouvelle technologie. Néanmoins, l‘information sur les éventuelles répercussions négatives de la nouvelle technologie sur l’environnement conserve une influence majeure sur la préférence des personnes interrogées. Sans mention des effets négatifs, 82% des sondés préfèrent effectivement une ligne hybride à une nouvelle ligne conventionnelle, mais ne sont plus que 65% une fois informés.

 

Un progrès technologique grâce à une collaboration interdisciplinaire

Des progrès technologiques concrets ont pu voir le jour grâce à l’étroite collaboration entre les équipes de recherche de l’EPF Zurich et de l’Université de Berne, mais aussi avec le gestionnaire de réseau de transport Swissgrid et les entreprises d’exploitation de réseaux de distribution et de centrales hydroélectriques. Les „techniciens“ de l’EPFZ se sont d’abord concentrés sur les manières de maximiser la capacité de transmission tout en respectant les valeurs limites pour les champs électromagnétiques et les émissions sonores. Ensuite, les résultats de la recherche sur l’acceptation sociale ont conduit à une solution optimale alliant une capacité élevée et un impact aussi faible que possible.

Contacts

Prof. Isabelle Stadelmann-Steffen

Université de Berne

Institut de sciences politiques

Fabrikstrasse 8

3012 Berne

Tél.: +41 (0)31 631 83 55

E-mail: isabelle.stadelmann@ipw.unibe.ch

Prof. Christian M. Franck

Institut de technologie de la haute tension

EPF Zurich

Physikstrasse 3

8092 Zurich

Tél.: +41 (0)44 632 47 62

E-mail cfranck@ethz.ch