Dimensionnement du neutre

Dimensionnement du conducteur neutre

Télécharger l’article

Aujourd’hui le choix de la section du conducteur neutre devient de plus en plus important et compliqué. Lorsque la section de ce conducteur peut être inférieure à celle des conducteurs polaires, cela n’est pas important de choisir une section identique à celle des conducteurs polaires. Par contre, il n’est pas rare que le courant dans le neutre soit supérieur au courant dans les phases suite à un déséquilibre des charges ou à la présence d’harmoniques dans un système équilibré.
Dans ce cas, il est indispensable de prendre en considération la production de chaleur du conducteur neutre lors du dimensionnement d’une canalisation.

Rappel :

  • Un circuit équilibré est un circuit triphasé dont les 3 conducteurs polaires, L1, L2 et L3 sont parcourus par des courants de même intensité et de même angle de déphasage courant-tension, angle phi.
  • Un courant avec des harmoniques est un courant qui n’est pas uniquement composé d’un courant à 50 Hz (la fondamentale), mais aussi des courants aux multiples entiers de cette fréquence. En pratique seules les harmoniques impaires sont importantes, soit des courants à 150 Hz (3 fois 50), 250 Hz (5 fois 50), 350 Hz, etc.. En général, plus la fréquence s’éloigne de la fondamentale, plus
    l’intensité de ce courant diminue. Les moteurs produisent des harmoniques, souvent de faibles intensités et donc négligeables.
    Les appareils et commandes avec de l’électronique de puissance, comme par exemple les ampoules FLC et les ordinateurs, sont sources d’harmoniques.
  • Dans une installation sans harmonique, le facteur de puissance est égal au cosinus de l’angle phi. Ceci n’est plus le cas en présence d’harmonique.
  • Le choix de la section est déterminé de façon à ce qu’en usage normal, la température de l’isolation du fils concerné et celle des autres fils dans la même canalisation ne dépasse pas une température limite en usage normal soit par exemple 70°C pour des isolations en PVC (par exemple câbles
    TT, FE0).

Le dimensionnement du neutre se fait selon les caractéristiques de l’installation sans défaut. Il peut être parfois nécessaire de sur-dimensionner la section du neutre si le courant de court-circuit engendrerait un échauffement excessif du conducteur et qu’aucune autre méthode n’est appliquée pour limiter cet échauffement, soit en augmentant la valeur du courant de court-circuit, soit en diminuant le temps de réaction du coupe-surintensité.
En monophasé, le courant dans le neutre est toujours égal au courant dans la phase, même en présence d’harmoniques. Sa section sera toujours identique à celle du conducteur polaire qui lui est associé.
En triphasé le courant dans le neutre peut être nul, plus petit, égal ou plus grand que celui des conducteurs polaires.
Dans un circuit équilibré sans harmonique ou très très peu d’harmonique (moteurs), le courant dans le neutre est nul. Il n’est par conséquent pas nécessaire d’installer un conducteur neutre. Par exemple un chauffe-eau triphasé 6 kW est alimenté par les 3 phases parcourues chacune par un courant de 8,7 A; il n’y aucun courant dans le neutre. Il est inutile d’installer un conducteur neutre.

Dans un circuit comportant un déséquilibre dû, par exemple, soit à des récepteurs monophasés de puissances différentes (déséquilibre d’intensité dans des récepteurs purement résistifs, par exemple, il y a 10 ampères dans L1, 20 ampères dans L2 et 50 ampères dans L3, le courant dans le neutre est de 36 ampères), soit d’une alimentation d’un groupe de forte puissance équilibré mais comportant un circuit
de commande monophasé (par exemple 3 x 25 kW pour la force et 1 x 15 W pour la commande), le courant dans le neutre sera inférieur au courant dans les phases. Dans ce cas on peut choisir la section du conducteur neutre en fonction de son intensité et non selon l’intensité des conducteurs polaires.

Toutefois il faut respecter les deux conditions suivantes :

  • La section du conducteur neutre en cuivre ne peut pas être inférieure à 16 mm2 (Al 25 mm2);
  • Une surcharge du neutre ne doit pas être possible. Il faut donc installer un dispositif de mesure du courant dans le neutre (comme dans les phases) dont l’intensité est celle du neutre. En cas de surcharge du neutre, la coupure doit également se faire sur les conducteurs polaires. En pratique
    l’emploi de fusibles est impossible et celui de disjoncteurs tétra-polaires avec une intensité différente entre le dispositif « neutre » et les trois autres dispositifs « phases » est très difficile, voire impossible.
    Dans ce cas, la diminution de la section du neutre par rapport aux conducteurs polaires bien qu’autorisée dans la norme est rendue impossible le plus souvent par manque de matériel adéquat.Note : avant 2015 cette protection contre la surcharge du neutre pouvait être faite par l’unique mesure des courants dans les phases.Lorsque le courant dans le neutre est égal au courant dans les phases ou que leu taux d’harmonique est de plus de 15 %, sa section doit être au minimum celle des conducteurs polaires. Avec un taux d’La section minimale est de 6 mm2 pour les lignes principales et de 1,5 mm2 pour les autres canalisations fixes.
    En cas de fort déséquilibre, le courant dans le neutre sera supérieur au courant dans les phases.

Par exemple,

  • Déséquilibre d’angle : il y a 30 ampères dans L1 en phase, 30 ampères dans L2 circuit purement capacitif et 30 ampères dans L3 circuit purement inductif, le courant dans le neutre est de 81,6 ampères.
  • Déséquilibre d’intensité et d’angle: il y a 0 ampères dans L1, 40 A et 60 degrés dans L2 et 40 A et -60 degrés dans L3, le courant dans le neutre est de 80 ampères.
    Note : il s’agit bien sûr de cas d’école possibles mais peu probables qui ne servent qu’à mettre en évidence un phénomène en l’exagérant.
    On peut également avoir une intensité de courant plus élevée dans la neutre que dans les polaires en présence d’harmonique.

Exemple :

En bleu foncé la fondamentale à 50 Hz visible sur 4 alternances. Les harmoniques représentées ici sont la 3ème (à 40%), la 5ème (à 20%), la 7ème (à 10%) et la 9ème à 3%. Le tracé noir représente la forme du courant total. Il s’agit du courant dans une phase. À L’évidence si on additionne 3 fois ces courbes en les décalant de 120° (un tiers de période) l’intensité résultante – le courant dans le neutre – est plus élevée que chacun des trois courants dans les phases L1, L2 et L3, même si ceux-ci ont la même intensité.

En pratique, avec l’électronique de puissance, on a souvent des commandes par triacs. Dans ce cas le courant est nul au début de l’alternance.
Ci-dessous l’image du courant à travers une ampoule FLC. On constate une forme de courant de type impulsionnelle et non plus sinusoïdale. Une augmentation du nombre d’ampoules augmente l’intensité
de la pointe de courant. En cas de distribution triphasée ou en amont de circuits monophasés, il y a lieu de prendre en considération ce phénomène, car l’addition des 3 courants décalés de 120° (courant
dans le neutre de l’alimentation) est là aussi supérieure à la valeur d’une seule des intensités. Pour des ampoules économiques, le courant peut être jusqu’à 2,8 fois plus élevé que dans les conducteurs
polaires.

Forme du courant d’une ampoule FLC

En pratique, pour déterminer le courant dans le neutre, on peut soit le mesurer avec un appareil de mesure TRMS ou avoir les caractéristiques de la machine fournie par le fabricant.
Les tableaux de dimensionnement des circuits triphasés de la NIBT (5.2.3.1.1.11.x et 5.2.3.1.1.15.x) sont prévus pour des circuits dont le neutre ne conduit pas de courant. Dans le cas où un courant non négligeable circule dans la neutre, la section des fils doit être adaptée au fait que 4 conducteurs (3LN), à la place de 3 (3L), produisent de la chaleur et engendre ainsi une augmentation plus importante de la
température de l’isolation.

Dans ce cas, la section du conducteur neutre doit être adaptée au courant que le traverse en fonction des caractéristiques habituelle (méthode de référence, température ambiante, groupement, etc..).
Lorsque les conducteurs polaires sont équilibrés mais avec présence d’harmoniques de rang 3, la section du conducteur neutre doit être identique à celle des conducteurs polaires.

Leur section doit également être adaptée selon le taux d’harmoniques :

  • Lorsque le taux de l’harmonique 3 est inférieur à 15%, la section des conducteurs est déterminée selon l’intensité du courant qui traverse les conducteurs polaires sans augmentation de leur section.
  • Pour un taux de l’harmonique 3 entre 15 et 33%, la section est à déterminer selon le courant qui traverse les phases multiplié par 1,16. Par exemple pour un courant dans chaque phase de 39 A, la section est déterminée pour un courant de 39 x 1,16 = 45 A

Si le taux de l’harmonique 3 est supérieur à 33% on choisit la section des conducteurs en fonction du courant dans le neutre. Toutefois il est possible de réduire un peu leur section corrigée si le taux d’harmonique ne dépasse pas 45%.
Le courant dans le neutre se calcul en multipliant le courant polaire par 3 et le pourcentage de l’harmonique.

Par exemples :

  • Si l‘on a 39 A dans les polaires et un taux d’harmonique de 40 % :
    In = 39 x 3 x 0,4 = 46.8 A
  • Si l‘on a 39 A dans les polaires et un taux d’harmonique de 50 % :
    In = 39 x 3 x 0,5 = 58,5 A

Ces intensités deviennent déterminantes pour la section des conducteurs phase et neutre:

  • Pour un taux de l’harmonique 3 entre 33 et 45%, la section des polaires est à déterminer selon le courant dans le neutre multiplié par 1,16. Par exemple pour un courant neutre de de 46,8 A, la section est déterminée pour un courant de 46,8 x 1,16 = 54,4 A
  • Pour un taux de l’harmonique 3 de plus 45%, la section est à déterminer selon le courant dans le neutre. Par exemple pour un courant neutre de de 58,5 A, la section est déterminée pour un courant de 58,5 A

Pour des intensités plus importantes du courant dans le neutre, due à la présence d’harmoniques de rang supérieur ou dues à un déséquilibre de plus 50% dans les conducteurs polaires, il y a lieu d’augmenter le facteur de correction (1,16). En finalité, il ne faut pas qu’en usage normal, la température de l’isolation
ne dépasse la valeur admissible soit, par exemple, 70 °C pour des câbles FE0.

Sources :
NIBT 4.3.1.3 E+C; NIBT 5.2.3.4; NIBT 5.2.4

Texte rédige par
Denis Schneider
CPMB, Colombier