Contrôle d’une installation électrique à courant fort

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Environ 30 % des incendies en Suisse ont une cause directe ou indirecte due à l’électricité. Cela engendre la mort de 20 à 40 personnes chaque année. Pour diminuer ce risque, il convient de contrôler les installations électriques avant leur mise en service, puis périodiquement selon le genre de locaux.

Le contrôle des installations électriques comprend plusieurs phases : contrôle visuel, essais et mesures. L’ordre dans lequel se déroulent ces contrôles est important.
Avant de mettre une installation en service, on réalise le contrôle visuel qui nous permet de s’assurer que l’installation ne risque pas de mettre en danger les personnes ou les choses. Ensuite, on vérifie la continuité des conducteurs de protection et d’équipotentiel afin d’assurer qu’en cas de défaut d’un appareil par exemple, la personne qui fait le contrôle puis les autres utilisateurs ne risquent rien à utiliser cette installation. Profitant de l’absence de courant, on procède ensuite à la mesure d’isolement.
Si l’installation ne présente aucun défaut, on peut alors la mettre sous tension et vérifier que les temps de coupure automatique sont respectés, la polarité et l’ordre des conducteurs raccordés aux prises et les chutes de tension admissibles.
Dans des installations complexes, d’autres contrôles seront à faire comme par exemple la mesure de la résistance des sols et des parois, le fonctionnement des dispositifs d’arrêt d’urgence, etc..
Dans ce numéro de l’Electromagazine, il ne sera traité que du contrôle visuel et des essais de continuité des PE (conducteurs de protection), des PA (conducteurs d’équipotentiel de protection) et des PAZ (conducteurs des liaisons équipotentielles supplémentaires). Les autres phases du contrôle d’installations électriques seront traitées dans les prochaines parutions.

Contrôle visuel

Lors d’un contrôle, le toucher aurait permis de remarquer une température excessive, l’ouïe nous aurait permis d’entendre un crépitement et l’odorat nous aurait certainement alerté de la présence d‘une odeur anormale.

Si le sens de la vue est clairement celui qui est le plus utilisé lors du contrôle visuel, il n’est de loin pas le seul qui nous aide à estimer si une installation présente ou non des dangers. D’autres sens sont également mis à contribution :

  • Le toucher, pour estimer la grandeur d’une ouverture, la température de surfaces tangibles ou saisissables ou encore la qualité de serrage des vis.
  • L’ouïe peut nous permettre de percevoir un faux contact par le crépitement qu’il émet.
  • L’odorat nous donnera une indication d’un début possible d’incendie ou de défaut d’une connexion

Si beaucoup d’éléments du contrôle se font sans outil, il serait erroné de penser qu’il ne faut pas de tournevis pour le pratiquer. Ils sont indispensables par exemple pour vérifier le serrage des bornes.

Voici une liste d’éléments à contrôler :

  • vérifier que la protection des personnes est assurée : contrôler les indices de protection des appareils et matériels selon les locaux et l’utilisateur de l’installation, la présence des DDR, des barrières pour la protection des personnes (plaques de recouvrement) et les raccordements aux conducteurs de protection et d’équipotentiel ;
  • vérifier que la protection contre l’incendie est efficace : contrôler la présence des barrières coupe-feu si nécessaire (porte coupe-feu, IP 4X pour les tableaux dans des voies d’évacuation, obturations des passages entre locaux avec danger d’incendie, boîtes « chalet » IP 3X), mesurer les températures atteintes par des parties combustibles à proximité d’appareils produisant de la chaleur, vérifier le respect des instructions de montage du fabricant ou de la NIBT lors de la pose d’appareils sur des parties combustibles, ou s’ils sont installés dans des endroits avec accumulation possible de la chaleur ;
  • vérifier que l’installation est conforme : contrôler la section des lignes, la présence et  le réglage des coupe-surintensité, la présence si nécessaire des dispositifs de coupures pour l’entretien et les arrêts d’urgence, le respect des couleurs obligatoires ou interdites pour les conducteurs électriques, s’assurer que le matériel qui doit être entretenu ou utilisé reste accessible ;
  • vérifier que l’installation est clairement documentée : contrôler la présence des plans et des schémas à jour, des panneaux de mise en garde, l’identification des circuits aux tableaux et aux organes de commande ;
  • vérifier que l’installation ne devient pas dangereuse au fil du temps : contrôler le serrage des bornes et la présence de pièces anti-desserage pour les bornes des conducteurs jaune-vert, vérifier si nécessaire que le nettoyage des appareils sources de chaleur est suffisamment fréquent, vérifier que la puissance des ampoules ne dépasse pas la puissance supportée par le luminaire et s’assurer du respect des facteurs de simultanéité et de groupement.

Référence :  NIBT 6.1.2.

Essais de continuité des PE et PA

Cette première série de mesures est indispensable pour que le contrôleur puisse certifier que la sécurité de l’installation est obtenue. Elle est complémentaire, sans la remplacer, à  la mesure des résistances de boucle (ou courants de court-circuit).
Elle permet de s’assurer de la bonne conductance des liaisons existantes ce qui permet d’avoir la plus basse différence de potentiel possible entre des parties conductrices tangibles, alors que la mesure de la résistance de boucle permet de vérifier que le temps de coupure, en cas de tension de défaut dangereuse, est suffisamment court pour permettre la protection des personnes, des animaux et pour éviter l’endommagement des fils ou câbles.
La NIBT ne donne aucune indication de valeur minimale à respecter pour ces mesures. Cela ne signifie pourtant pas qu’il n’y en a pas. Le premier élément à contrôler est que la valeur mesurée correspond bien à ce qu’on peut s’attendre à avoir.
Si, pour se faire une première idée, l’utilisation d’une lampe de poche ou d’un dispositif ronfleur permet de se rendre compte de la qualité de la liaison – lampe presque pas allumée ou ronflement à peine audible  = liaison de mauvaise qualité -, il est absolument indispensable d’utiliser pour des contrôles « OIBT » des appareils dont la tension de sortie est comprise entre 4 et 24 V et pouvant délivrer un courant de 0,2 ampère. Ils doivent en outre afficher la valeur mesurée.
Les valeurs de résistance mesurées doivent correspondre aux résistances des fils utilisés. Si la mesure suit une période d’utilisation de l’installation, il faut prendre en considération une température des fils PE à 40 °C, alors que si l’installation n’était pas en service, la température correspond à celle de la température ambiante.
La résistance d’un fil est proportionnelle à sa longueur, c’est-à-dire qu’un fil de vingt mètres est deux fois plus résistant que le même fil de dix mètres et un autre de trente mètres sera lui trois fois plus résistant que celui de dix mètres.
On peut donc facilement utiliser le tableau ci-dessous pour estimer la résistance d’un fil en cuivre d’une longueur quelconque.

La variation de la résistance due à l’augmentation de température ne représente que 10% environ de la valeur à 20 °C.  Dans les installations en service, la résistivité n’est pas exactement celle de la théorie, il faut également prendre en considération les résistances des
connexions, les erreurs des appareils de mesure et le fait que la température du fil n’est pas exactement de 15, 20, 30 ou 40 °C. En prenant la valeur à 40 °C, nous obtenons une approximation suffisante.

Lors d’une mesure entre le PE d’une prise T13 (15 m de ligne en 1,5 mm2) et une liaison équipotentielle à proximité (20 m de fil Cu 10 mm2), la valeur mesurée ne doit pas dépasser :

(0,13 · 1,5) + (0,019 · 2) = 0,23 ohms

Dans un protocole de mesure, il n’est pas nécessaire de noter la valeur mesurée mais simplement « ok »  pour indiquer que la mesure a été faite et que sa valeur est compatible avec l’installation.

Pour les liaisons équipotentielles qui relient une masse  d’un matériel électrique raccordé au PE et un élément conducteur du bâtiment, il est d’usage de considérer qu’elles ne doivent pas dépasser une résistance de 1 ohm.  Cette valeur correspond à la moitié de la valeur de la résistance minimale de boucle qui assure le déclenchement d’un disjoncteur C13 en cas de court-circuit.Caractéristique des disjoncteurs C.

Caractéristique des disjoncteurs C

Avec un circuit de 13 A, le temps de coupure maximum en cas de tension de défaut supérieure à 50 volts est de 0,4 secondes. Selon la courbe caractéristiques des disjoncteurs (ci-dessus), il faut un courant au minimum dix fois plus grand que l’intensité assignée du disjoncteur C. Un courant minimum de 130 ampères est donc nécessaire  pour assurer la protection des personnes en cas de court-circuit L-PE. La résistance de boucle maximum est alors de (230/130) 1,8 ohms ce qui permet donc une résistance du conducteur d’équipotentiel de 0,9 ohm, soit 1 ohm en pratique.
On pourrait admettre, si on choisit un disjoncteur 13 A – B, une résistance de 1,8 ohm car 65 ampères seulement suffisent ; toutefois il est très rare d’utiliser des disjoncteurs de cette caractéristique ou avec des courants assignés inférieurs.

 

Valeur maximum de la résistance des conducteurs d’équipotentialité entre une masse d’un matériel électrique et un élément conducteur du bâtiment pour une coupure en 0,4 secondes.

Le cas des liaisons équipotentielles  supplémentaires est un peu différent. Leur utilisation est conseillée lorsque les conditions de la coupure automatique peuvent ne pas être remplies. Dans ce cas, on doit assurer que si le temps de coupure ne peut pas être respecté, la tension de défaut (tension entre le matériel mis au PE et une partie métallique à proximité) ne dépasse pas 50V AC (120 V DC).

® electrosuisse

Exemple d’appareil avec une liaison équipotentielle supplémentaire

Exemple 1
On veut  alimenter cet appareil  avec un disjoncteur de 13 A – C. Il faut un courant de court-circuit minimum de 130 A. Si le courant est plus grand, la coupure en 0,4 seconde est assurée. Si le courant est plus petit, la coupure et donc la protection des personnes n’est pas assurée. Dans la pire des situations imaginable, en cas de défaut, tout le courant de court-circuit passe par le conducteur de la liaison équipotentielle supplémentaire (PAZ). La valeur maximale de la résistance se calcule en divisant la tension maximum de défaut admissible (50 V) par le courant de court-circuit maximum qui ne fait pas déclencher le disjoncteur
(130 A). La résistance du PAZ  ne doit ainsi pas dépasser 50/130 = 0,38 ohm.

Exemple 2 
On utilise comme disjoncteur de canalisation un 40 A – D. Le courant minimum qui assure la protection des personnes en cas de défaut est de 180 A (temps de coupure maximum admissible : 5 s, soit 4,5 fois l’intensité assignée du disjoncteur). La résistance maximale du PAZ est donc de  (50/180 =) 0,22 ohm.

Exemple 3
Dans une installation protégée par un DDR 30 mA, il n’est pas certain que ce courant soit atteint en cas de défaut. S’il y a 30 mA ou plus de courant de défaut, la coupure a lieu en un temps maximum de 0,3 seconde, ce qui est conforme car plus rapide que 0,4 seconde. Si le courant de défaut est inférieur à 30 mA alors la coupure n’est pas assurée et il faudra limiter la tension de défaut à 50 V. La résistance maximum se calcule dans ce cas en divisant la tension de défaut maximale admissible par le courant de déclenchement minimum du DDR, soit 30 mA. La résistance maximale du PAZ est donc (50/0,03=) 1670 ohms.

Pour terminer, il n’est certainement pas inutile de rappeler qu’il faut raccorder les parties conductrices – tangibles lors d’une utilisation normale – à la liaison équipotentielle de protection seulement si leur longueur dépasse 6 m ou si leur surface dépasse 1 m2 (dans les installations spéciales – par exemple les locaux médicaux – ces valeurs sont respectivement 3 m et 0,5 m2).

Référence : NIBT 6.1.3.2, NIBT 5.4.2.2, info 2092, ASCE 123/2012

Texte rédigé par
Denis Schneider
CPMB, Colombier
Illustrations:
Denis Schneider, electrosuisse