Contrôle d’une installation électrique à courant fort

La résistance d’isolement
Cette mesure est obligatoire dans toutes les installations neuves, sans aucune dérogation. Lors d’un contrôle périodique, on peut envisager de s’abstenir de la faire dans les installations dont la périodicité de contrôle est de 20 ans ou si la résistance d’isolement est en permanence surveillée par des dispositifs à courant différentiel résiduel (DDR) par exemple. En cas de grande difficulté à pouvoir couper le courant pour faire la mesure, on peut la remplacer par une mesure de courant de fuite.
La mesure d’isolement est impossible à faire dans les vieilles installations réalisées selon la mise au neutre en Schéma III (neutre jaune avec la fonction combinée de conducteur de protection). Le conducteur de protection étant relié au neutre, la mesure n’est pas réalisable. Pour la même raison, on ne fait pas de mesure d’isolement dans une installation en TN-C.

Pour faire cette mesure, on pratique dans cet ordre :
1°    avertir l’exploitant de l‘installation
2°    enlever les fusibles ou déclencher le disjoncteur
3°    vérifier l’absence de tension
4°    ouvrir le sectionneur de neutre
5°    vérifier l’absence de tension avec le neutre (en cas de croisement)
6°    débrancher les appareils électroniques ou ponter les phases et le neutre (une tension étant générée lors de la mesure)
7º    déconnecter les appareils électroménagers, de bureautique, etc.
8°    débrancher les parasurtensions (souvent présentes dans les installations photovoltaïques)

La mesure se réalise d‘abord entre le PE (conducteur de protection) et chacun des conducteurs polaires, puis entre le PE et le neutre.
Si la valeur mesurée n’est pas suffisante, il faut arrêter les mesures,
supprimer le défaut, puis recommencer.

Dans une installation, on mesure d’abord tous les circuits individuellement, puis l’ensemble de l’installation au coupe-surintensité général
(le coffret d’introduction).

Une fois la mesure faite, on remet l’installation en service dans cet ordre :
a)    refermer le sectionneur de neutre
b)     rebrancher les para-surtensions
c)     décharger les lignes (faire une liaison électrique entre les phases /neutre et le PE)
d)     replacer les fusibles ou réenclencher les disjoncteurs
e)     reconnecter les appareils  (surtout le congélateur !)

Pour être valable, la mesure d’isolement doit être faite sur l’ensemble du circuit testé. S‘il y a une commande par contacteur d’un moteur ou d’un chauffe-eau par exemple, une unique mesure au disjoncteur ne permet que de connaître la valeur de l’isolement de la ligne entre les disjoncteurs et le contacteur. Il faut dans ces cas faire la mesure après le contacteur. Lors de la pose de transformateurs de séparation, comme par exemple ceux utilisés pour l’alimentation en TBTS (très basse tension de sécurité, max 50V AC), la mesure doit aussi être faite au secondaire du transformateur.
Depuis 2010, la valeur minimum de la résistance d’isolement doit être de 1 000 kΩ pour des tensions de 230/400 V et seulement de 500 kΩ lors de contrôles périodiques d‘installations faites depuis 1995 et jusqu‘en 2009. Avant 1995 la valeur doit être au minimum de 250 kΩ (50 kΩ dans des locaux mouillés ou avec danger de corrosion).  Pour des tensions dans les domaines de la TBT ou HT, d‘autres valeurs sont à appliquer.
Il n‘est pas rare que dans les installations que l‘on contrôle, il y ait du matériel électronique qui reste branché (par exemple : régulation de chauffage, commande électronique de porte, etc…) ou que des DDR types B ou B+ soient installés. Dans ce cas il convient de modifier un peu la procédure pour éviter tous dégâts sur ces appareils.
Afin d‘éviter l‘apparition de différence de potentiel DC destructeur pour l‘électronique, on relie ensemble les conducteurs de phase et de neutre. Ensuite on fait la mesure entre l‘ensemble de ces conducteurs et le conducteur PE. On diminue les risques si on commence par un essai avec une tension plus basse que celle prescrite. Si la mesure est bonne, on monte progressivement la tension jusqu‘à la valeur de consigne, sinon on cherche le défaut ou on débranche l‘appareil pour être sûr de la qualité de la ligne.

La mesure des courants de fuites
Cette mesure peut remplacer dans certains cas la mesure d‘isolement. Elle est bien plus facile à faire et ne présente aucun danger pour des appareils électroniques. Par contre, elle est très nettement moins fiable que la mesure d‘isolement (mais plus juste qu‘une valeur au jugé mise au bureau parce qu‘on n‘a pas pu ou voulu couper le courant).
Pour procéder à cette mesure, on utilise une pince ampèremétrique TRMS dont la sensibilité est d‘au moins 0,1 mA. L‘installation doit être sous tension et en service. On entoure avec la pince l‘ensemble des conducteurs actifs (phases et neutre) et pas le conducteur PE.

L‘installation est estimée conforme si le courant de fuite est inférieur ou égal à 30 mA. Cette valeur sera notée dans le protocole de mesure.
Pour un courant de fuite supérieur, sans toutefois dépasser 300 mA, le contrôleur doit analyser l‘installation et trouver une explication à ce courant (moteurs fixes : 3,5 mA, appareils de classe II : 0,25 mA, luminaires de classe II : 1 mA, etc.).
Lorsque le courant de fuite dépasse 300 mA, la mesure de la résistance d‘isolement est obligatoire.

Contrôle des DDR
Le contrôle des DDR est assez simple. On procède en deux étapes.  Un premier test consiste à presser sur le bouton « TEST » du DDR. Ce dernier doit déclencher lors de cet essai. Ce test doit être répété périodiquement selon les instructions du fabricant. En l’absence d’indication à ce sujet, la NIBT impose un essai annuel. L’ensemble de la corporation des installateurs-électriciens et contrôleurs préconise dans ce cas deux tests par année qui doivent se pratiquer aux changements d’heure ÉTÉ-HIVER et HIVER-ÉTÉ.
Le second test doit être réalisé avec un appareil pour les contrôles OIBT.  L’appareil indique le temps de coupure. Il doit être au maximum de 300 ms pour les DDR standards et jusqu’à 500 mA pour des DDR de type sélectif. L’appareil indique également souvent la valeur du plus petit courant qui provoque la réaction du DDR. Il est à noter qu‘un DDR sélectif n‘assure pas  la protection des personnes pour les circuits jusqu‘à 32 A en cas de tension de défaut supérieure à 50V car son temps de réaction peut dépasser 0,4 seconde.

La résistance des conducteurs de protection et de terre peut, lors de la pose de DDR, être relativement élevée. Sa valeur maximum est de 1 660 ohms pour une installation standard. Cette valeur correspond au rapport tension de défaut maximum admissible / le courant minimum qui assure le déclenchement de l‘organe de protection  (soit 50 /0,03). Jusqu‘à cette valeur de 1 660 ohms un courant de défaut inférieur à 30 mA – qui donc ne fait pas obligatoirement déclencher le DDR – ne peut pas créer une tension de défaut de plus de 50 V. Par exemple un courant de 0,029 ampère à travers une résistance de 1 660 ohms donne une tension de défaut de 48 V, l‘installation n‘est ainsi pas dangereuse pour les personnes. Si le courant devait être plus important, la tension de défaut serait supérieure à 50 V, par exemple 55 V pour un courant 33 mA, le DDR fonctionnerait obligatoirement,. Lorsque la résistance est plus basse, ce qui est généralement le cas, la coupure du DDR a déjà lieu pour des tensions de défaut inférieures à 50 V.

Dans les installations agricoles, là où, pour le bétail, la tension de défaut maximale ne doit pas dépasser 25 V, la résistance maximum est de 830 ohms.

Essais de polarité et contrôle  de l‘ordre des phases (champ – tournant)
Lors du contrôle d‘une installation, il faut s‘assurer que le conducteur neutre et le conducteur de phase ne sont pas croisés. Si cela devait être le cas, cela impliquerait qu‘un dispositif de coupure unipolaire placé dans ce circuit couperait le conducteur neutre et non pas le conducteur de phases, ce qui n‘est généralement pas autorisé. Cela crée même un gros danger dans les anciennes installations réalisées avec la mise au neutre selon le Schéma III, car toutes les parties conductrices des appareils sont, dans ce cas, mises au potentiel de la phase.
Si dans les prises habituelles, il n‘y a à priori aucune obligation à mettre la phase à droite et le neutre à gauche (le PE étant au centre et plus bas), il est quand même nécessaire de vérifier le respect de cette manière de faire car lorsqu‘une borne est notée N ou bleu, elle est réservée au conducteur neutre. Dans toutes les prises relativement récentes (celles qui ne sont pas en céramique), cette indication est présente rendant obligatoire ce mode de raccordement.
Il ne faut bien sûr pas oublier de contrôler l‘ordre de raccordement des conducteurs polaires des prises triphasées. Dans les prises rondes ou carrées, l‘ordre doit être dans le sens horaire (sens des aiguilles d‘une montre).
Dans les anciennes prises industrielles J15, J25, J40 etc., l‘ordre des phases va d‘un bord de la prise (L1) vers le conducteur PE (L3).

Il n‘est pas obligatoire de mettre L1 sur la borne L1, L2 sur la borne L2 et L3 sur la borne L3. Cela peut même être déconseillé dans les prises combinées mono et triphasée (T15 et T25).  Pour un ordre des bornes L1–L2–L3 on admet trois possibilités de raccordement : L1-L2‑L3 ou L2-L3-L1 ou encore L3-L1-L2. En aucun cas on ne peut se fier uniquement à la couleur des conducteurs de phase car il n‘est pas rare de trouver de vieilles installations avec l‘ordre des phases inversé sur le câble d‘amenée du distributeur.

Chutes de tension
Le dernier point de contrôle abordé dans ce numéro est celui de la chute de tension. Pour mémoire, elle ne devrait pas dépasser 4% de 230 V. On admet qu‘elle puisse être plus élevée ponctuellement, comme cela arrive fréquemment lors des démarrages de moteurs, mais ce point doit être vu au préalable avec le distributeur qui peut exiger d‘en diminuer l‘importance en installant par exemple des démarreurs électroniques.
La valeur de 4% n‘est pas une valeur limite. Si la chute de tension reste raisonnable, et que cela ne nuit pas au fonctionnement des appareils raccordés sur ces lignes, on peut la juger acceptable.
Pour en connaître la valeur, on peut faire une mesure de l‘impédance des lignes et du courant nominal des récepteurs raccordés on peut alors la quantifier (Iappareil · Rligne). Il est aussi possible de mesurer la tension au coupe-circuit général (au coffret d‘introduction), puis de mettre les appareils en service et de mesurer la tension aux bornes de l‘appareil. La différence entre ces deux mesures ne devrait pas dépasser 9,2 V.

Sources :
NIBT 2015 : 5.2.5, 66.1.3.3, 6.1.3.6.1, 6.1.3.8, 6.1.3.9, 6.1.3.11.
Infos 2061, 2064, 2072, 2103,
Information 4000 de l’ASCE

Texte rédigé par
Denis Schneider
CPMB, Colombier
Illustrations :
Denis Schneider
Photo:  Mesatec